En apesanteur

Avant toute chose, désolé mais je n’ai pas pu télécharger toutes les photos souhaitées. La connexion est vraiment mauvaise. Je suis donc allé à l’essentiel avec quelques illustrations. L’article sera complété par d’autres photos plus tard.

Par ailleurs,et avant de vous plonger dans le quotidien de ce que j’ai vécu pendant ces 26 jours, je trouvais intéressant de faire un petit bilan chiffré de cette première grande partie de l’île du Sud.

690km parcourus en 26 jours, dont 23jours de marche et 3 jours d’arrêt forcé pour cause de tempête.
16 250m de dénivelé positif et 15 500m de dénivelé négatif,

Bilan nutritionnel :

3kg de beurre de cacahuète
3,3kg de chocolat
1,7kg de nuts
1,5kg de barres
2kg de couscous
1,8kg de Mm’s
4,4kg de plats lyophilisés
2kg de noodles
1kg de lentilles
600g de chips
1,5kg de fruits frais
800g de fruits secs
0g supplémentaire
Moyenne de 4-5 litres d’eau par jour
1 douche
0 vraie lessive (rinçage en rivière)

 

Queen Charlotte Track

Shipe Cove to Havelock (85 km – environ 2000 D+ / 2000 D-)
Ce lundi matin, je dois avouer que c’était un peu la course, il fallait aller à la poste pour paqueter mes 3 colis de nourriture, passer chercher le ticket pour prendre le bateau à 13h30, faire sécher mes affaires mises à laver à minuit la veille, poster les dernières news et faire un petit coucou à la famille avant le départ. J’arrive à tout faire au pas de course, j’espère ne rien avoir oublié mais j’avais pas mal planifié à Wellington. Une fois dans le bateau, nous nous retrouvons à un peu moins d’une dizaine de TA Hikers et quelques touristes. Il s’agit d’un bateau qui délivre le courrier aux habitants un peu isolés des fjords alentours. Cela nous vaut donc deux heures de balades dans les fjords sous un ciel bleu des plus clairs aujourd’hui. J’espère un bon signe pour ce qu’il s’en vient sur l’île du Sud. Les paysages sont déjà magnifiques!!
Nous arrivons à 15h30 à Shipe Cove, point de départ de l’île du Sud. Tout le monde se dirige vers la zone un peu aménagée. Je décide de m’échapper de la foule et prends de suite le chemin du sentier. J’ai repéré un point pouvant faire office de bon spot de camping pour ce soir. Bien qu’il ne soit qu’à 7 km, je fais une toute petite après-midi et préfère profiter du beau point de vue ce soir. Les premières sensations avec les nouvelles chaussures sont bonnes et j’en profite. Ils sont rares les moments où je n’ai pas ressenti une gêne à un endroit ou à un autre depuis le début. D’autant que le sentier contourne les fjords, et offre, dès lors que les arbres le permettent, une vue exceptionnelle sur les alentours. Il règne même presque une ambiance de Provence entre un soleil brûlant et une colonie de cigales reprenant inlassablement le même refrain (la preuve). Ça me donne envie de faire une bonne sieste. Ça tombe bien, j’arrive après 1h30 au point escompté. Je ne suis pas déçu, il est parfait avec vue en direction ouest, parfait pour le coucher de soleil, et sur un fjord exigu semblant avoir capturé un bout d’océan. J’oriente la tente en direction du coucher de soleil et après un bon repas, je m’installe sur un banc dans l’attente de ce dernier. Pour le suivre, je me suis muni d’un bon sachet de Mm’s. Un goût savoureux de mon enfance, lorsque nous nous installions avec les parents et la petite sœur devant un bon film, paquet de MM’S pour les uns, rocher praliné ou Ferrero rocher pour les autres. C’est étonnant de voir comment des saveurs à certains moments de la journée te renvoient à tous ces bons moments passés. Elles te donnent envie d’en passer beaucoup d’autres! J’aime ce contraste entre le fait d’être en ville, devant un écran de cinéma au rythme des sabres laser, et en l’espace de deux jours, me retrouver au milieu de nulle part, devant un autre écran, naturel cette fois, bercé par le bruit des cigales devant un décor de carte postale. J’aime vivre ces sensations aux antipodes les unes des autres, et prendre le meilleur de chacune d’entre elles. Je m’endors ce soir, après un coucher de soleil comme j’espère en voir souvent, puis la tête dans les étoiles.

 

Mardi 16 janvier (35 km – 800D+ / 750 D-)
Ce matin je prends mon temps et ne sonne le départ que vers 7h30. Le sentier ressemble cette fois-ci à ce que nous connaissons chez nous, à savoir un bon tracé, suffisamment large et tassé, sans grosses flaques de boue. Je me sens vraiment bien et avance à bon rythme en prenant le temps de m’arrêter à chacune des trouées pour profiter du décor. Le sentier serpente en effet le long des fjords et permet d’admirer toute la beauté de ces environnements. Les fjords, où qu’ils soient, marquent l’esprit parce qu’ils mêlent deux paysages différents, la mer et la montagne. Il te semble que le sommet des montagnes a été posé sur l’eau, donnant de-ci, delà, une succession d’îlots comme suspendus sur l’eau. Le tout dans un paysage découpé et sculpté par les éléments. Le plus de cette journée, c’est certainement l’alternance de plein soleil et de nuages. Elle donne à la couleur de l’eau des tons et des couleurs d’une étonnante variété. Ce panel de couleurs est enrichi par les zones drainant les sédiments érodés sur les reliefs alentour. La lumière s’y réfléchie tantôt en vert tantôt en beige.

La journée passe à toute allure, et le corps ne ressent presque plus les efforts pour parcourir cette distance. J’arrive au camping presque en forme. Il donne encore un beau point de vue sur les environs et comme j’y suis tout seul, je vais pouvoir m’abriter sous un shelter en bois pour repartir avec la tente sèche demain matin. Cela me permet également de ne pas mettre le toit de tente et de voir le ciel étoilé ce soir, depuis mon lit. J’en prends encore plein les yeux aujourd’hui.

Mercredi 17 janvier (22km – 600m D+ / 1000m D-)
Jeudi 18 janvier (21km – 700m D+ / 200m D-)

Ces deux journées, c’est sous l’eau que je les passe. Je choisis par conséquent de faire des demi-journées, et de m’arrêter le jeudi sur le petit village d’Havelock afin de faire sécher mes affaires, couper les cheveux et reprendre des forces avant la montagne. Malgré cela, il est un peu plus difficile de trouver le temps pour écrire. Sans l’envie, l’écriture risque d’être vide. Aussi, et pour les jours à venir, plutôt que les mots, c’est en image le long d’un roadbook que je vais partager, une fois n’est pas coutume, quelques moments de vie de cette aventure.

Les dernières infos météo dont je dispose me donnent 3 jours de beau temps. Je décide donc de passer sur le mode sportif, pour les jours à venir. Je fais des journées complètes de 10-12h à un gros rythme. En arrivant sur les huts le soir, après quelques réponses aux questions posées, je reçois des regards plutôt admiratifs, surtout lorsqu’ils regardent la taille de mon sac à dos. C’est sûr que j’arrive bien fatigué et ne m’attarde pas longtemps après le coucher du soleil pour m’endormir. Je prends quand même le temps en journée sur les sommets. Finalement, je n’ai pas eu de pluie et ai rétréci les journées après avoir terminé les plus hauts sommets du Alpine track. J’ai donc été gâté par le temps et les paysages toujours aussi enchanteurs et variés. Le roadbook et les photos suivent.

Vendredi 19 Janvier (43,4km – 200m D+ / 200m D-) 7h20-18h30

Samedi 20 Janvier (29,3km – 2300m D+ / 1100m D-) 7h20-18h30

Dimanche 21 Janvier (26,6km – 1900m D+ / 2000m D-) 7h15-17h30

Lundi 22 janvier (24km – 1700m D+ / 1900m D-) 7h05-17h30

Mardi 23 janvier (18,2km – 1100m D+ / 1000m D-) 8h30-14h

Mercredi 24 janvier (28km – 350m D-) 9h30-19h grosse pause avec un groupe du TA sur le point de ravito.

Jeudi 25 janvier (19km – 700 D+) 7h30-13h
Aujourd’hui, pour peut-être l’une des premières fois, je n’ai vraiment pas envie de marcher et ne prends aucun plaisir en chemin. Ceci malgré une journée encore bien ensoleillée et un décor de montagne idyllique. Je me dépêche donc de rejoindre la hut, afin de m’arrêter à mi-journée. Je ressens le besoin de faire autre chose que marcher pour retrouver de la motivation et de l’enthousiasme sur le chemin. Après un bon repas, un bon bain (piscine privée entourée de rochers et remplie par de l’eau de glacier) et une bonne sieste, je me plonge dans notre histoire avec le bouquin « Sapiens » écrit par Harari. Je n’en suis qu’au début, mais la manière dont cet historien retrace l’histoire de l’humanité en la rendant fluide, intéressante et compréhensible est vraiment bluffante. J’y passe tout le reste de l’après-midi entouré par les hauts sommets. C’est aussi cela lorsqu’on part en solitaire sur de si longues aventures. Il faut accepter de ne pas avoir envie et trouver du réconfort dans d’autres activités. Je vous l’ai déjà dit, je n’aime pas faire tout le temps la même chose et il n’y a pas de raison que cette aventure y échappe. Ces derniers jours, je constate donc que j’ai trop marché et mis de côté les autres activités. C’est chose réparée. II ne m’en fallait pas plus pour recharger les batteries que cette petite lecture et cet après-midi au calme. Les aventures au long cours en solitaire demandent de conserver une motivation constante. Pas si simple lorsque le chemin te demande autant de dépenses physiques et de concentration. J’ai effectivement des autonomies de nourriture à respecter, et sur ces portions, je me dois d’avancer. Cette fois-ci, je dois l’avouer, je suis un peu rattrapé par le temps. La météo étant très changeante, tu n’es jamais à l’abri d’être bloqué plusieurs jours pour passer un sommet ou traverser les rivières. Alors, les jours de beau temps, tu avances.

Vendredi 26 janvier (15,4km – 1000m D+ / 1200m D-) 7h-13h
Aujourd’hui encore je fais une demi-journée. Cette fois-ci pour m’arrêter sur le lac abritant les eaux douces les plus claires au monde ; le Blue lake dans le parc Nelson. Les images parlent d’elles-même.

La motivation est revenue aujourd’hui et je peux profiter pleinement de cet environnement encore préservé. Je m’apprête à faire une succession de grosses journées et me prépare à cela en détendant et l’esprit et le corps.

Samedi 27 janvier (43 km – 1100m D+ / 1150m D-)
La journée commence à 6h45 par le second plus haut sommet sur le parcours. Le tracé passe par le lac Constance, lac glaciaire, formé en amont du verrou glaciaire. Je remonte le lac jusqu’au cirque et aperçois le chemin au loin zigzagant dans un cône d’éboulis. Cette fois, ça grimpe raide, très raide. Mais le départ aux aurores me permet de faire l’ascension à l’ombre. En me retournant, je peux apercevoir l’ombre des sommets doucement descendre dans le cirque. Dans ces moments, il te semble être hors du temps. En passant près du lac peu de temps avant, tout semblait gelé par la froideur de la nuit. Aucun insecte ne vient bourdonner autour de toi, les herbes sont rigidifiées par les basses températures de la nuit et il te semble pénétrer dans un endroit vierge de toutes âmes. Seul le son de tes pas résonne dans ce cadre, éloge de la beauté et du silence. Alors, lorsque 30mn plus tard et 200m plus haut, les rayons du soleil viennent donner vie à ce tableau, tu as soudain l’impression d’avoir capturé quelque chose d’interdit, en ayant profité de ce lieu pendant qu’il était endormi. Je ne peux pas continuer sans passer quelques minutes à contempler cela.

J’atteins le sommet après deux heures d’ascension et après y avoir passé une bonne demi-heure, me lance dans une descente aussi pentue que l’ascension. Les articulations sont mises à rude épreuve mais je passe sans casse et arrive dans la vallée à la première hut vers 12h30. Au loin, j’aperçois tout un groupe de personnes, une cinquantaine. La hut est neuve. Elle date de novembre 2017 d’après mes plans. Et bien voilà, encore un grand concours de circonstances, il s’agit de la cérémonie officielle d’ouverture de la hut. Tout le gratin de l’outdoor est présent : le chef du DOC (qui gère tous les parcs, sentiers de randonnée et préservation de la faune-flore de Néo-zélandaise), la présidente fondatrice du Te Araroa et bien sûr, le financeur de la hut. Un vieux Monsieur, me confiant d’un sourire malicieux que s’il a pu donner cet argent pour construire cette hut, c’est parce qu’il n’a eu ni femme, ni enfant (un peu triste aussi). Je me prépare rapidement à manger pour assister aux discours. Cet européen, immigré en Nouvelle-Zélande depuis 30 ans avoue avoir beaucoup travaillé, et être souvent parti en nature. Mais toujours en vacances classiques. Il nourrit ainsi un regret, celui de n’avoir jamais su prendre le temps de parcourir un sentier au long cours. Sa manière à lui d’apporter sa contribution aux jeunes générations pour en profiter. Il est donc content de nous voir. Par ce biais, il exprime parfaitement ce qui m’a poussé à envisager ce genre de périple. Nous n’avons qu’une vie, et bien conscient de cela, je veux pouvoir me retourner en me disant que j’ai vécu toutes les expériences dont j’ai eu envie. Pas si simple, et c’est pour cela qu’il ne faut pas perdre de temps!
J’aurais vraiment été chanceux qu’il y ait champagne et burgers, mais à défaut, je me contente de quelques cookies et repars dans la vallée parcourir les 26km sous un soleil de plomb. Pas d’ombre de l’après-midi, mais heureusement, quelques traversées de rivières me permettent de me mettre à l’eau pour me rafraîchir. Pour adoucir la rigueur de la température, tournant entre 35 et 37°C, je repense à une histoire racontée par mes parents. Elle concerne mes grands-parents qui partaient travailler dans les champs en plein été sous un soleil de plomb. Leurs conditions étaient bien plus difficiles et rend la mienne instinctivement beaucoup plus simple. Voilà une autre source d’énergie et d’apaisement dans laquelle je peux puiser pour passer les difficultés. D’autant que malgré la chaleur, la vallée offre des perspectives exceptionnelles libérant le corps de la rigueur que je lui impose.

J’arrive fatigué à la hut escomptée après avoir parcouru les 26km en 5h, et 43km aujourd’hui. Dernière surprise en ouvrant la pochette supérieure de mon sac à dos, tout mon chocolat noir 90% non entamé a fondu. Il était dans son emballage mais pas dans un ziploc. Il y en a partout sur les crèmes, lunettes, écouteurs, buff…. Moi qui pensais pouvoir me reposer, je passe 1h à tout nettoyer, enfin essayer car même en la passant sous l’eau, la pochette reste pleine d’un bon résidu. Au moins ça sentira bon le chocolat à l’ouverture. Quand je vous disais qu’il faisait chaud. Même en plein soleil sur les plages du Nord, je n’avais eu aucun problème dans les mêmes configurations. Tout mon chocolat se retrouvera donc maintenant en ziploc ! Cet épisode termine une longue journée encore riche en rebondissements.

Dimanche 28 janvier (37,3km – 600m D+ / 1000m D-)
J’ai envie d’enchaîner plusieurs vraies journées, mon corps se sent bien et si le réveil et le départ sont toujours un peu difficiles, une fois le pas de la porte franchi, j’ai la chance de pouvoir encore profiter d’un grand ciel bleu. Dans l’après-midi de gros nuages menaçant se sont développés et semblent bloqués dans les montagnes vers lesquelles je me dirige. Je presse le pas, d’autant que je les vois peu à peu franchir le cap des sommets. Mon tracé amorce un virage me permettant de prendre la tête sur les nuages. Ils tentent de me rattraper en s’exclamant d’un coup de tonnerre raisonnant dans toute la vallée : « accroche toi gamin, tu vas prendre cher ». À 17h, ils se retrouvent presque à mon aplomb. Je décide alors de planter la tente au premier endroit propice. Je m’installe en hauteur par rapport à la rivière, en cas de crue de cette dernière, et à bonne distance des plus gros arbres, le vent soufflant fort. Pas le choix, je suis ce soir dans les hautes herbes. Et pendant deux heures la pluie et les coups de tonnerre font trembler les murs très peu épais qui me séparent de l’extérieur. Un bon moyen de te rappeler la force des éléments. Je peux vous dire que dans ces moments, vous vous sentez tout petit et insignifiant derrière votre toile de tente. J’aimerais que tellement de personnes se sentant trop importantes puissent être mises dans ces conditions. J’y mettrais certainement Trump en premier. Juste pour voir si ses discours restent les mêmes après.

Lundi 29 janvier (35km – 700m D+ / 600m D-)
L’orage est passé pendant la nuit, et les nuages ce matin laissent à nouveau rapidement place à un grand ciel bleu. Dans certains élans de colère, je me surprends parfois à insulter les organisateurs du TA, lorsque ces derniers, au lieu de te faire prendre une route directe, te font faire des détours parmi lesquels tu as des montées, des descentes dans des terrains difficiles entre rochers et racines. J’ai croisé déjà deux personnes depuis le départ sur l’île du sud avec les chevilles en compote : TA terminé. Je me répète alors : « encore des bureaucrates qui ont tracé le sentier sur carte sans aller voir le terrain ». Cela me fait pousser encore plus fort sur les bâtons.
La température est, aujourd’hui encore, écrasante. Alors, lorsque j’aperçois la hut après 17km ce midi, je m’arrête pour prendre une grande pause de plus de 2h. Mon objectif est un peu plus de 17km plus loin, mais tant pis, je pousserai cet après-midi. Je repars à 14h30 après avoir intégralement mouillé mon chapeau pour garder l’esprit au clair sous la chaleur. Plutôt chanceux, le sentier est presque parfait et longe, après quelques kilomètres dans la plaine, un lac à travers une forêt. Tout me semble facile, montées comme descentes. L’inverse de ce matin. Je sens que la pause a été bénéfique. Cela me permet de parcourir les 17km en 3h45 avec quelques petits breaks autour du lac.
Sur certaines parties du parcours, notamment les sections répétitives sans grand intérêt, je commence donc à ressentir la longueur du voyage. Mais en même temps, c’est certainement ce qui en fait toute la force. Rien n’est jamais simple, il faut aller puiser au fond de toi, te remotiver jour après jour, mais je me rends de plus en plus compte de l’aventure humaine que cela représente. Il est difficile de l’exprimer, il faut le vivre pour le comprendre. Plus rien ne te semble ni vraiment difficile, ni complètement impossible. En même temps, tu apprends à approcher certaines limites. Je me rends compte du contraste séparant ce que je vis de tous ceux venus en Nouvelle-Zélande et voyageant de manière classique, en van ou voiture, en auberge, à travers les sites les plus touristiques. La plupart expriment un regard blasé sur les sites, ils en ont vu tellement. Gagnés par la force de quelques pas après avoir garé le van à côté de tous les autres et fait maximum une journée de marche. Pris les mêmes photos et raconté les mêmes histoires. Si certains passages sont un peu plus longs à vivre à pied, je n’ai cependant jamais été blasé par aucun des paysages qui m’ont entouré. Au contraire, tu as eu tellement d’efforts à fournir que tout te semble être une récompense. J’envisage donc maintenant de continuer le mois après le TA en stop, à pied et en tente à travers l’île du Sud. Et je me promets de faire en sorte de ne pas tomber dans cet état lors de mon voyage en van à travers l’Amérique du Nord. À moi de faire ce qu’il faut pour.

Mardi 30 janvier
(32 km – 400m D+ / 700m D-)
Faire entre 30 et 40 km par jour représente, même avec dénivelé, des journées classiques si je ne stop pas trop tôt. Celle-ci est marquée par un nouveau grand soleil, et des grandes sessions de baignades dans les rivières notamment lorsque j’atteins la hut à 16h30. Le vent empêche les sand flies de me piquer, l’eau est bonne et le tout séchera toutes mes affaires que je rince dans la rivière. J’y passe ensuite 20mn à me baigner au milieu de cette large vallée, dans mon plus simple élément : la liberté absolue dans un décor de rêve !
Ce soir, trois autres personnes arrivent à la hut. En évoquant la météo des prochains jours, tous me signalent que deux gros orages arrivent et vont se combiner dans ces montagnes à partir de demain après-midi. Le problème est que le tracé suit et remonte un lit de rivière sur 14 km, à travers des gorges, puis descend de l’autre côté un second lit de rivière sur 11 km. Les orages arrivent dans l’après-midi. Je me méfie un peu des prévisions météo en NZ. Mais tous semblent être sûrs d’eux. L’avancée dans les lits de rivière est beaucoup plus lente, les galets sont instables, les chevilles se tordent un coup à droite, un coup à gauche, la plante du pied se heurte à chaque pas à la dureté de la roche. Le tout rend la progression lente. Si jusque-là, la traversée des rivières m’a été facilitée par le beau temps, les rivières montent très rapidement, rendant leur traversée impossible sans se faire emporter. Tu sens déjà leur force en ayant l’eau au niveau des cuisses alors au niveau de la taille et plus, ça devient vraiment risqué. Je prends donc la décision de me lever tôt pour finir la descente du lit dans lequel je suis (soit 14 km) demain matin, et sortir du tracé pour me rendre au point où j’ai envoyé ma boxe de nourriture. Je me trouvais à 37km depuis la hut de ce dernier. Pas possible d’envisager les faire en une matinée. Ce petit village a un centre du DOC. Il me permettra de confirmer les prévisions et mon choix.

Mercredi 31 janvier
(24km – puis auto-stop)
À 6h15 au moment du départ, le temps est vraiment nuageux mais il ne pleut pour ainsi dire pas. Après avoir rejoins la route et avoir parcouru 10 km dessus, je m’arrête pour faire du stop. La gorge se rétrécissant, la progression le long de la route devient dangereuse. Après avoir atteins le village Arthur’s Pass, je récupère ma boxe au centre du DOC. Ces derniers me confirment la très mauvaise météo pour l’après-midi et le lendemain. Plutôt que de rester en auberge ici, je décide de rejoindre en stop la prochaine hut sur le parcours, 10 km plus loin. La pluie commence déjà à tomber. L’épisode doit durer 1 à 2 jours et les rivières, cela m’est confirmé de manière certaine, seront infranchissables. Mais ils ne savent pas pour combien de temps. J’arrive à Bailey hut à 17h30. Il a plu toute l’après-midi et je pense avoir fait le bon choix. Demain je prendrai donc mon premier jour de repos sur l’île du Sud. Je rencontre dans la hut deux français qui ont fait la section suivante. Elle aussi traverse des rivières. Je me laisse donc un peu de temps pour savoir si je reviens sur mes pas ou continue depuis ici en voyant le temps du lendemain. L’épisode le plus violent est au-dessus de Goat pass, la colline que je devais traverser aujourd’hui.

Mercredi 1 février (jour de repos imposé)
Le vacarme de la pluie n’a pas cessé de la nuit sur les tôles de la hut et continue ce matin. Je suis bien content de ne pas marcher aujourd’hui. J’ai récupéré pour 12 jours de nourriture et il m’en restait une bonne journée dans mon sac. Je suis donc également bien content de m’arrêter pour manger et diminuer le poids de ce dernier sans efforts.
Dans la matinée nous entendons soudain des craquements d’arbres. La pluie a diminué, mais le vent lui, s’est levé violemment. Nous sortons rapidement de la hut, un arbre est tombé à une dizaine de mètres dans la forêt. Nouvelles rafales et de nouveaux arbres s’écroulent dans la forêt. C’est la première fois que j’assiste directement à des arbres qui tombent. Ils sont cassés en deux, au milieu des troncs et ils tombent devant nos yeux. Un trou se forme dans la forêt mais ceux à proximité de la hut résistent. Encore, un bon rappelle de la force des éléments, mais la scène est impressionnante. Cette fois, j’en suis convaincu, j’ai pris la bonne décision. Un aperçu du résultat en photo.

Nous rentrons dans la hut une fois le vent calmé. Nous sommes 4 et restons tous méfiants et attentifs au moindre bruit suspect. Je suis une dizaine de kilomètres plus au sud de l’épisode le plus violent.

Je prendrai demain des nouvelles de la situation pour savoir si je rebrousse chemin pour faire cette section et dans le cas contraire, continuerai d’avancer depuis ici en espérant que les rivières que je dois traverser, n’aient pas trop monté. Un couple de Néerlandais arrivé à la hut vers 15h, nous confirme les fortes pluies vers Arthur’s Pass. Ils n’ont pas reconnu le petit cours d’eau qu’ils ont traversé il y a deux jours sous le beau temps, transformé en torrent infranchissable aujourd’hui. Ils sont également venus en stop ici, croisant au passage de nombreux arbres tombés sur la route. C’était un excellent choix de faire une pause aujourd’hui.

Vendredi et samedi (break à la hut)
Toujours un peu de pluie alors je préfère attendre le retour d’un meilleur temps et donner plus de temps aux rivières pour redescendre. En attendant, nous échangeons beaucoup avec le couple de Français présent Fred et Sophie et Dahn, un Canadien. Fred et Sophie ont quitté leur boulot dans l’optique de ne plus jamais travailler, du moins de manière classique, comme c’est entendu communément. À leur retour en France, ils comptent faire un tour de France des écovillages, partager avec qui le souhaiterait, et monter à leur tour le leur ou s’installer dans l’un de ceux visités. L’objectif, subvenir complètement à leurs besoins par la permaculture améliorée : un jardin où tu n’as presque besoin de rien toucher pour qu’il produise. Ils envisagent une moyenne maximale de 3h par jour. Ils fabriquent déjà leur pain, dentifrice et sont pleins de bonnes astuces. Une communauté d’une dizaine de personnes serait nécessaire. Pas une communauté fermée comme on peut se l’imaginer, mais ouverte, partageant le schéma, montrant que ça marche. Les excédents de production seront vendus. À contre-courant de tout notre modèle de société, bien défini comme « ordre imaginaire » par Harari dans Sapiens. Alors si finalement, c’était la pensée commune qui était à contre-courant des changements en cours et de la bonne direction à suivre. Il n’est pas simple de changer les piliers et fondements d’une société. Et si finalement l’exemple venait par le bas, par quelques-uns qui sont déjà nombreux (450 écovillages en France)? Leur objectif, se libérer du temps pour tout le reste (randonnée, art, association…) et s’autosuffire. Ils vont construire leur maison en paille et terre. Je veux voir tout cela. Car finalement et si ça marche, quels seront les plus heureux? Parmi les réflexions très intéressantes, il y eu notamment le moment où je leur parlais des voitures et qu’ils me répondaient que le vélo sera leur principal moyen de locomotion (bien qu’ils devraient en conserver une pour la communauté). Pour résumer la conversation, je leur rétorque : « oui mais ça va vous prendre du temps de faire de longs trajets pour voir parfois familles amis, faire des week-ends… ». Réponse :  » c’est vrai mais finalement, est-ce que le vélo n’est pas plus rapide que la voiture si l’on considère le temps que tu passes à travailler pour payer la tienne, plus son assurance, plus ses réparations… » en ce sens effectivement le vélo pourrait peut-être, être considéré comme plus rapide. De même qu’ils ont besoin de bien moins travailler pour se payer une maison en terre et paille fabriquée par leur soin, voisins, amis, communauté par rapport à une maison classique. Sophie me l’assure, elle veut que sa famille se sente dans un environnement sain où ils peuvent se projeter en venant chez elle, donc doter de tout le confort moderne pour ne pas qu’ils puissent se dire : « oui mais toi tu acceptes de vivre dans ces conditions » toujours avec l’objectif de convaincre. Seuls la manière et les moyens sont différents. De même qu’une tomate d’un vrai jardin coûtera plus cher qu’une tomate dure et sans goût du supermarché au kilo. Mais si tu ramènes le poids au pouvoir calorifique de la tomate, peut-être finalement que c’est la bonne tomate qui te revient moins cher. Nous sommes habitués à nous rassasier, nous empifrer et nous goinfrer de tout, le gène de la goinfrerie existe et nous vient des temps anciens. Or nous sommes en surconsommation la plupart du temps. Nous n’avons pour la grande majorité, besoin d’une ration bien moindre d’apport pour le corps que ce que nous lui apportons tous les jours. Aussi, même si tu n’es pas calé à la fin du repas (ce qui sera normal pour les premiers à la vue de la taille de ton estomac habitué à s’être agrandi pour absorber tout ce que tu lui envoies) mais que tu apportes les bons ingrédients, tu ne devrais pas te sentir en hypo dans l’après-midi pour autant. Certainement que le dicton « je préfère la qualité à la quantité » devrait être repris plus souvent.
Peut-être que 100g de la bonne tomate équivaut donc en apport, à 500g de celle du supermarché. Auquel cas, elle te revient finalement moins cher! Ces ratios méritent d’être pris en considération plutôt que seulement le prix au kilo. Bref, nous avons passé de riches journées à refaire le monde, eux sont décidés et tentent le changement en grand ! Et si ça marchait ? On le voit tout est question de perspectives. Harari dans « Sapiens » reprend avec ironie le dicton « travailler plus pour gagner plus », je vous laisse vous y plonger pour comprendre de quoi je parle. Dans la société telle qu’elle est montée aujourd’hui, le temps et l’argent sont en effet deux denrées à rapport inversé. Il faut dépenser l’un pour gagner l’autre. Comme notre culture, nos coutumes, nos systèmes politiques et financiers… sont de l’ordre imaginaire, inventés par les sociétés qui nous ont précédées (c’est-à-dire que rien ne répond à un besoin biologique dans la manière dont nous avons agencé notre société), alors peut-être qu’il n’appartient qu’à nous de construire un nouvel ordre imaginaire où le bonheur des gens serait la première richesse du pays ! Non plus le solde de leur compte en banque. Mais cela n’est que théorie et réflexion, seule la preuve par l’exemple convainc réellement. Encore faut-il que ces preuves soient diffusées.

Ce samedi, tout le monde part sauf moi. Je veux donner un peu plus de temps aux rivières de redescendre, d’autant que la matinée est pluvieuse. Fred et Sophie doivent aller se ravitailler, sans savoir s’ils reviendront ici le soir. Je passe la journée à la lecture et à penser aux nouveaux défis que je souhaiterais relever une fois celui-ci terminé. À 18h, alors que je me suis installé au soleil à l’extérieur de la hut pour lire, j’ai la bonne surprise de revoir Fred et Sophie qui ne reviennent en plus pas les mains vides. Ils ont acheté en plus pour que l’on puisse se faire un bon repas. Au menu, pain – houmus carotte miel – pesto / pain et fromage et une petite soupe de mon côté. Presque un repas de roi sur le TA. Après 3 jours de colocation, il nous semble presque être chez nous.

Et je pense que nous avons tous passé un excellent moment ensemble. À n’en pas douter nous nous reverrons.

Dimanche 4 Février (33km – 600m D+ / -850m D-)
C’est le grand départ après trois jours passés dans la même hut. Je décide d’y aller doucement d’autant que j’attaque par 500m de dénivelé positif. Malgré cela, j’ai rapidement mal aux pieds, sur toute la voûte plantaire. C’est musculaire et c’est comme si chaque pas venait appuyer sur un bleu. Je sens que la pause pour raisons climatiques n’a pas été bénéfique. Il va falloir serrer les dents pour faire les 30 prochains kilomètres. Bien sûr, ça aurait été trop simple d’avoir un bon chemin. Aujourd’hui, je suis le lit d’une rivière. Le pire pour les pieds avec les galets instables. Dans ces moments, il ne faut pas trop réfléchir et accepter la douleur sans trop s’en plaindre. Je garde donc le cap et mon objectif de la journée. Je traverse des rivières à maintes reprises jusqu’à mi-cuisse. Toutes les rivières ici sont à l’état sauvage. Elles représentent la majeure partie des accidents mortels en montagne en NZ. Je comprends peu à peu pourquoi. Déjà à mi-cuisse, chacun de tes pas doit être bien étudié. Tes pieds, lorsque tu les décolles pour avancer sont entraînés par le courant, ce qui tend à te déstabiliser. Et sur l’une de mes dernières traversées, j’observe une vitesse de courant plus importante que ce que j’ai eu jusqu’ici. J’essaye de repérer un endroit à peu près passable et fait quelques mètres de détour. Je me lance et lorsque j’arrive au droit de l’endroit le plus profond, j’ai l’eau au niveau de la taille. Tu as tendance à vouloir accélérer en faisant des grands pas. Mon pied gauche se fait un peu emporter par le courant me faisant perdre l’équilibre. Par réflexe, je saute pour retomber sur mes deux appuis et me mettre en diagonale contre le courant. Le bas de mon sac à dos est dans l’eau, mais je ne réfléchis qu’à me tenir debout et lutter contre le courant. Une fois l’équilibre retrouvé, je termine la traversée. Le bras ne faisait pourtant que 7-10m de large. Plein de leçons apprises dans cet événement pour les futures grosses traversées que je vais avoir : mieux vaut chercher et se détourner loin du chemin mais trouver une bonne ligne à franchir – avancer en décollant les pieds au minimum et tâter la profondeur en avant avec le bâton. Une bonne frayeur pleine d’enseignement pour la suite. Je termine la journée en plantant la tente.

Lundi 5 février (25 km – 800m D+ / 200m D-)
Aujourd’hui, j’ai une grande portion sur la route avant d’arriver à une première coupure du tracé : la rivière Rakaia.

Celle-là, je le sais est infranchissable. Cela demande un détour en dehors du tracé d’environ 70 km. Je fais donc du stop jusqu’à Metven et y arrive en début d’après-midi. Je me dirige vers le centre d’information pour voir s’il y a un moyen de repartir de l’autre côté de la rivière depuis ici. Effectivement, un bus scolaire partant à 7h permet d’amener les personnes mais la fille m’indique que le lendemain est un jour férié en NZ. Je n’ai pas envie d’attendre jusque-là et demande donc de mon plus bel accent, s’il y a un autre moyen pour cet après-midi autre que le stop car la route n’est pas linéaire, il y a beaucoup de croisements. Elle hésite un peu et me répond finalement qu’elle pourra m’y amener si je repasse à 17h après son travail. Juste pour dire, c’est environ 45mn de route juste l’aller. Une fois de plus la gentillesse NZ est à souligner, et peut-être un peu mon accent aussi ? Je passe donc l’après-midi à Metven, refais quelques courses et surtout achète une bonne bouteille pour offrir à Lucy, ma conductrice de ce soir. Le temps est très venteux lorsque j’arrive au départ à 17h50, mais je veux me rendre jusqu’à la prochaine hut 9 km plus loin et surtout 750 m plus haut. Les gros nuages semblent être arrêtés par les montagnes et je prends donc ma chance en mettant les gaz. Les paysages offerts par cette montée sont fantastiques. D’autant plus lorsque avec les énormes nuages de pluie en arrière-plan, j’atteins finalement la hut à 19h30, après une longue journée. Mais je suis seul dans cette toute petite hut et peux m’y installer confortablement.

Un petit chalet personnel, la soirée est parfaite.

Mardi 6 février (28 km – 750m D+ / 1000m D-)
La lumière me réveille à 7h ce matin et malgré quelques nuages tout au long de la journée le soleil sera encore de la partie. Je serais bien resté une journée dans cette petite hut si j’avais été sûr de pouvoir y loger seul encore ce soir. Presque un petit chalet privé tout confort avec eau courante dans le ruisseau d’à côté, intérieur bois bien isolé et petite table et chaise pour la lecture. Mais je me résigne finalement à avancer, tu n’aimes pas laisser passer les bonnes journées et préfère prendre tes breaks sur les mauvais jours. Je ferme définitivement la porte à 8h30 ce matin. Aujourd’hui encore je suis un lit de rivière mais cette fois-ci je le remonte sur environ 6km et 500m de D+. La rivière en zigzag t’oblige à de nombreuses traversées. Je ne me laisse pas surprendre par le courant ce coup-ci. En revanche l’eau est glacée et m’engourdit rapidement les pieds. Je ne les sens pour ainsi dire plus lorsque les traversées s’enchaînent. Alors, plutôt que de m’arrêter avec un vent un peu frais, je décide là encore d’essayer d’aller vite pour me réchauffer le plus possible. Parler de vitesse n’est pas approprié, disons plutôt que j’essaye d’être moins lent. Pas facile lorsque tu as l’impression d’avoir des lames de rasoir sous les pieds et que tu marches sur des galets. Là aussi, il a fallu serrer les dents, et encore j’avais la chance d’avoir un peu de soleil par intermittence, lorsque les rayons du zénith ont pu atteindre le fond de la vallée. En arrivant au sommet à 12h30, deux chaises bénites sont empierrées. Juste devant un décor une fois de plus époustouflant. Mon repas en images.

Après une heure dans ce cadre, un vent frais semble vouloir m’indiquer qu’il est temps de repartir. Après une descente alternant arbuste épineux et touffes d’herbes tranchantes, je laisse enfin cette section hasardeuse derrière moi et pénètre dans un autre monde. Comme s’il voulait se préserver du regard de trop nombreuses personnes, ce cadre met des barrières destinées à décourager le plus grand nombre. Mais une fois ces barrières franchies, la vallée s’ouvre en une plaine immense entourée de montagnes.

Quel que soit l’endroit où se porte ton regard autour de toi, l’espace est considérable et se termine par des pentes sculptées à pique par la tectonique des plaques. Tu te sens microscopique planté au milieu de la vallée. Les yeux trouvent ici l’eldorado qu’ils attendaient. Ils m’imposent une longue halte avant de reprendre et terminer ma journée.

Mercredi 7 février (39 km)
Aujourd’hui, et c’est suffisamment rare pour le signaler, le tracé est presque entièrement plat. Il me mène de la hut Manuka à la rivière Rangitata, deuxième très grosse rivière que je souhaiterais cette fois-ci pouvoir traverser. Je pensais avoir déjà vu des paysages extraordinaires la veille, mais je marche aujourd’hui sur un plateau encore plus large avec un même décor de montagne en fond. C’est peut-être l’une des seules choses qu’il manque en Europe. À savoir des espaces aussi ouverts, avec les montagnes en toile de fond mais aucune âme qui vive, aucune maison, rien d’autre que la nature et son côté sauvage autour de toi. Je surprends par exemple un aigle en plein repas sur sa prise de chasse du jour, un lapin. J’apprendrai en fin de journée qu’il s’agit du décor ayant servi de base au film du Seigneur des anneaux. De par la simplicité du chemin, je parcours assez rapidement les 32 km me séparant de la rivière. Lorsque j’atteins le premier objectif de la journée, je dois me rendre à l’évidence, la rivière n’est pas travers able en ce moment. Le stop à faire va être long puisque cela entraîne un détour d’environ 120 km par la route. Après 1h d’attente, la troisième voiture s’arrête enfin et me déposera après 1h30 de route à environ 15 km du camping que je souhaite rejoindre dans la bourgade de Peel Forest. Je parcours 7 km à pied avant qu’une nouvelle voiture s’arrête pour rallier cette fois-ci mon point d’arrivée. Il est 19h30, mais bonne nouvelle, le camping du DOC a des douches ce qui est loin d’être le cas de la majorité de ses campings. Ma première douche depuis trois semaines et plus de 575 km de marche. Heureusement que les ruisseaux sont là pour maintenir un peu d’hygiène, d’autant que j’ai oublié mon savon biodégradable dans l’auberge de Wellington et fais donc, depuis le départ de l’île du sud, ma toilette sans aucun produit. À ce qu’il paraît le naturel ne tue pas. Mais pour être vraiment objectif, la laine mérinos fait des miracles niveau odeur, je porte les mêmes affaires tous les jours et arrive à les rincer une à deux fois par semaine lorsque je termine mes journées suffisamment tôt et que le soleil est suffisamment fort pour les sécher. Malgré cela, aucune mauvaise odeur ne s’en dégage. Je pense que le corps réagit différemment sans stress, pression ou autres. Rassurez-vous, je garde un nez attentif aux effluves qui m’entourent. Je ne m’y suis pas simplement habitué.

Demain le stop sera beaucoup plus compliqué parce qu’il n’y a absolument rien au bout de la route sur laquelle se trouve le départ du trail. 50 km m’en séparent. En attendant, je passe un long moment à discuter pendant mon repas avec un couple de belges flamands, qui me payent mon premier verre de vin depuis deux mois. Ils voyagent avec leur 2CV qu’ils ont envoyé depuis la Belgique. Ils m’auraient amené s’ils avaient eu plus de 2 places.

Jeudi 8 février (9 km – 600m D+ / 100m D-)
Lorsque tu te réveilles pour des journées dont tu ne maîtrises ni les tenants ni les aboutissants, tu ne sais jamais si tu dois te dépêcher ou non. Peut-être que la majeure partie des voitures susceptibles de passer, débutent tôt. Alors j’essaye de forcer le pas lorsque je me réveille à 7h ce matin. Je plie rapidement ma tente et toutes mes affaires, me prépare mon petit-déjeuner et suis 40mn plus tard sur sur le bord de la route. Après 1h30 d’attente pour seulement 3 voitures dont deux d’entreprises, je suis prêt à partir. Mais je veux une dernière fois tenter ma chance au camping. Un vieil Américain voyageant dans un van me voit tourner et me demande ce que je fais. Lorsque je lui explique où je dois aller et pourquoi, il m’indique qu’il y était hier et qu’il n’y a effectivement rien là-bas. Ce à quoi il rajoute : « bon, si tu n’es pas pris en stop avant que je parte du camping, je t’amènerai au point de départ. » Je lui indique de suite que je lui paierai quelque chose pour l’essence, ce qu’il accepte. Je peux repartir très serein faire mon stop. Je suis une fois de plus chanceux, mais une fois de plus, je l’ai provoqué. Aller vers les gens, échanger avec eux, t’apportera toujours plus qu’une vie auto-centrée. La plupart des personnes sont pleines de bonnes attentions, mais il faut faire tomber les barrières plus ou moins grandes qu’elles mettent face à un étranger. L’étranger dangereux que la société tend peu à peu à te mettre en tête par les inlassables mauvaises nouvelles des chaînes infos que l’on regarde 24h/24. Dans toutes ces expériences, ce qui me désole un peu, c’est de voir que dans ce genre de situation, ce sont toujours des gens un peu en dehors des règles et codes qui te donnent des vrais coups de main, même si tu leur es complètement étranger. Cela me pose de vraies questions. En effet, Casey doit avoir 65 ans et depuis quelques années maintenant, il a choisi de vivre sur la route dans son van, après avoir tout vendu. Il a parcouru l’Amérique du Nord, fait toute la Nouvelle-Zélande et va continuer de plus belle. Un peu en dehors du cadre général que l’on connaît donc certainement une personne atypique ou bizarre. Là est précisément ma réflexion. Car nous portons généralement un regard très moralisateur voire accusateur sur tout ce qui sort du cadre, prônant un modèle comme si nous étions les maîtres de la bien-pensance. Je remarque cependant qu’aucune personne bien ancrée dans le cadre de nos sociétés ne m’a vraiment aidé. Est-ce que notre bien-pensance ne serait pas une astucieuse gymnastique de notre esprit pour pallier les lacunes de nos actes. En effet, j’ai pu constater dans les faits, qu’en très grande majorité, les personnes hors cadre sont certainement les plus humaines dans l’aide qu’elles apportent à des personnes qui leur sont étrangères. Encore une bonne leçon de vie pour la suite. Pour tout vous dire, il ne m’a pas simplement amené jusqu’à ce point, il m’a donné fruits frais, concombre, pain et eau avant que je ne parte. Il ne doit pourtant pas vivre avec grand-chose mais il connaît ce genre de périple et les difficultés qui en découlent. Je lui laisse mon mail après avoir échangé pendant plus de 2h30 avec lui, il va me donner plein de bons conseils pour l’Amérique du Nord. Voilà le genre de rencontres qui font du bien, simples, sans artifices et franches. Je repars à 13h et ne parcours que 9 km jusqu’à la prochaine hut pour profiter de mon après-midi. Lorsque tu n’aies pas saisi par les beaux paysages, tu peux l’être par les belles rencontres, c’est aussi cela l’avantage d’être sur la route. L’intensité des choses est décuplée. Alors, lorsque je m’installe au milieu des montagnes pour écrire ces quelques lignes, bien sûr, des envies de changer le monde imprègnent mon esprit. Je veille un peu ce soir pour admirer les étoiles. Il en faut peu pour être heureux !!

Vendredi 9 février (31 km – 1500m D+ / 1300m D-)
La journée des superlatifs. Cette journée me fait passer par le plus haut point du TA à 1950m, par la plus belle vue que j’ai eue jusqu’ici lorsque je décide de suivre un chemin sur les arêtes plutôt que le chemin du TA, et me fait encore avoir une belle rencontre, le tout sous un ciel bleu. Bref, c’est pour ce genre de journée que je fais ce périple. Au point le plus haut en effet, la vue est déjà belle. Le chemin du TA fait redescendre dans la vallée en suivant une énième rivière et coupant surtout tout point de vue potentiel. Alors lorsque je repère un chemin montant sur les arêtes, je décide d’aller voir. Il me rallonge un peu en distance et en dénivelé mais ma curiosité m’y pousse. Comme je suis en pleine forme aujourd’hui, ça ne te torture pas l’esprit de te rajouter des kilomètres sur une journée déjà bien chargée. Aussi, lorsque après une montée peu longue mais très raide mon regard peut enfin se porter sur l’horizon, je découvre pour la première fois la montagne la plus célèbre de NZ : le mont Cook. Bien qu’il n’apparaisse qu’au second plan, il domine majestueusement tout le reste avec ses flancs abrupts et gelés.

C’est un sommet qui semble très technique, il n’est que partiellement recouvert de glace sur la face que j’aperçois. Cela veut dire de très nombreux passages d’escalade sur rocher. Les montagnes environnantes sont couvertes par des glaciers et au premier plan apparaissent d’énormes vallées glaciaires

dans lesquelles les rivières creuses leur lit en forme de tresse. Les parois de tous ces massifs sont presque sans verticales. J’avais déjà pris 45mn de pose au sommet, autant vous dire que j’ai repris un très long moment ici. Le sentiment de contemplation est magique, ma plus belle vue de loin de tout mon parcours. Et vous savez quoi, pas un seul touriste. Le lac tekapo où je serai demain est pourtant très touristique mais cet endroit est littéralement vide. Peut-être pas assez de toboggan, de remonte-pente…. Depuis le début, l’expérience me montre qu’il faut suivre son instinct et ne pas hésiter à sortir du sentier quand tu le sens. C’est une fois de plus vrai! Le chemin le long de l’arête est excellent et je peux le suivre quasiment jusqu’à la hut où j’arrive vers 17h30.

Samedi 10 février (35 km – 300m D+ / 850m D-)
C’est la journée qui me ramène pour la première fois dans une vraie ville depuis 26 jours. Je longe d’abord un plateau perché 200m au-dessus du lac tekapo, lac glaciaire d’une couleur bleue turquoise. Le paysage est somptueux et je dois avouer que je n’ai pas vraiment envie de revoir ni du monde ni des voitures. Pourtant, après 35 km, c’est bien ce qui m’attend. Le changement est brutal et rend l’acclimatation plus difficile. Tu passes du bruit du vent, des rivières, des oiseaux, de tes pas, au brouhaha des véhicules et de la masse incalculable de touristes. C’est l’overdose. Il faut pourtant que je prenne un jour de repos ici pour donner un peu de nouvelles et préparer mon autonomie vers le mont Cook. Il faut dire que j’ai vraiment eu des conditions climatiques presque parfaites hormis les 2 jours de pluie/tempête. Et dans ce cas, le paysage montagnard est un vrai paradis où tu pourrais passer ta vie. Avec ma barbe qui s’allonge, mon visage et mes chaussures poussiéreux de fin de journée, mes chaussettes hautes et mon short long donnant un style de basketteur, ils me regardent soit de haut soit de manière intriguée. Autant que moi finalement. Deux modèles qui ne se comprennent pas et dans lesquels je suis une fois dans l’un, une fois dans l’autre.

Voilà qui clôture un peu plus de la moitié de l’île du Sud, déjà riche en aventures et découvertes, avec des moments où j’ai pu commencer à trouver le temps long et d’autres qui m’ont donné des sensations sans pareil. Il a fallu serrer les temps parfois, se remotiver jours après jours, mais plus tu avances et plus le chemin, l’itinérance et l’absence de superflus deviennent faciles à vivre, trouvent un intérêt grandissant pour finalement nourrir un plaisir simple : vivre libre!

Pour la deuxième moitié, je vais faire quelques randonnées en extras pour retarder mon arrivée au jour de mes 30 ans. La vie est belle et l’aventure continue.

20 commentaires sur “En apesanteur”

  1. Cc poulet, je vois que tout va bien, tu es au top.
    Encore une fois ton récit est magique, envoûtant, donne une impression de voyage avec toi sans faire les mêmes efforts ?.
    Je remarque que tu as plus de poils de barbe que de cheveux lol et la boule a Z est arrivé.
    En tout cas, tu es vraiment impressionnant et tu peux être très fier de ce que tu accomplis.
    Bon maintenant la petite citation, il s’agit d’un proverbe chinois
    C’est en voyant un moustique se poser sur tes testicules que l’on s’aperçoit que l’on ne peut pas régler tous les problèmes par la violence ?
    Biz poulet et continu de nous faire rêver.

  2. Ouaaah!!!
    Des paysages fabuleux.
    Des rencontres inattendues.
    De la fatigue à te faire tomber.
    Des réflexions sur ta vie et la vie des autres (quasi philosophiques).
    Des risques de noyade, d’électrocution par l’orage, d’écrasement par les arbres couchés par la tempête, de chevilles abimées, de puanteur par le manque de savon.
    Fais gaffe à Toi, Bonhomme. Il faut que tu nous revienne entier.
    Dommage que ce fichu internet ne t’ai pas permis de nous mettre plus de photos.
    Ta Mère est épatée par tes écrits. C’est vrai que tu nous fait vraiment participer. C’est vraiment super de ta part, d’autant plus que la rédaction sur ton petit téléphone ne doit pas être très simple. Merci

    Continu comme ça, et profites mon Fils
    Bises

    1. Merci el padre! C’est bien le but de revenir entier et plus riche d’une aventure humaine hors norme aux antipodes. Je te rappelle d’ici peu car aujourd’hui, on fête les 64 ans… ?

  3. Amaury, merci de nous faire vivre de si belle façon ton extraordinaire aventure! Tu décris tout tellement bien, on croirait presque y être avec toi, enfin, moi du moins! Hâte de te lire à nouveau! xxxx

  4. Merci mon Fils pour ce nouveau récit toujours aussi captivant et MERCI pour ton appel. Cela fait plaisir de voir que même aux Antipodes, isolé sur ton île de Jade par un wifi capricieux voire inexistant , l’actualité du regroupement familial ne t’échappe pas. Bravo pour cette vraie délicatesse et sois bien convaincu que the whole Family y a été très sensible. Sans aucun doute tout le monde était heureux , parfois soulagé ( à la différence de Pep’s tout le monde n’est pas familiarisé avec le trajet et le spot!!!) d’entendre ta voix.
    Ravie que tu te sois plongé dans « Sapiens », véritable mine d’or de la 1 ère à la dernière page. Assurément, cela fait partie des lectures qui nous élèvent, dont on ressort enrichi, et que l’on a du mal à quitter. C’est la même chose pour Galfard. Tu m’en diras des nouvelles au milieu de tous les levers et couchers de soleil que tu auras capturés sous le ciel étoilé de l’hémisphère Sud!!!
    La Nature est un génie mais nos Racines rurales nous rappellent aussi avec force que lorsque les éléments se déchaînent, l’Homme n’est pas Maître.
    Alors continue à vivre pleinement et à profiter prudemment de chaque instant car où que tes pas t’amènent, où que tes rêves t’entraînent, fais qu’ils te ramènent.

    1. Fait dire que j’ai de quoi puiser chez la madre pour l’inspiration des récits. J’avance comme on me l’a appris, avec mes capacités mais avec attention quant aux éléments naturels et humains qui m’entourent. L’adaptation à toujours été le maître mot ?

  5. Bravo Bravo mille fois, nous attendions avec impatience
    de te lire à nouveau, mais ça valait le coup. Tu nous fais
    vivre ton voyage de telle façon que nous t’accompagnons pas à pas et tout comme d’anciens feuilletons de journaux,
    nous attendons la suite … A très bientôt …NANOU

    1. Merci Tatie pour tous tes messages d’encouragement ! C’est beaucoup plus simple lorsque l’on a une famille comme la nôtre pour se sentir épaulé à chaque moment ! Content de vous le faire partager! Des bisous

  6. Très heureuse de te retrouver, enfin !!! Nous commencions à trouver le temps long. Et surtout, il vaut mieux que nous découvrions que maintenant ton parcours aventurier avec tous ces éléments que tu as dû affronter. Tes parents sont certainement très contents que tu ais pu reprendre contact avec eux et que cette longue étape soit passée. En tout cas,
    j’ai lu ton carnet de voyage comme « une petite fille » tu sais comme autrefois quand on me lisait LE PETIT CHAPERON ROUGE, et que j’avais très peur du loup.
    Sinon, merci de nous faire partager tes pensées et toutes ces photos qui nous font rêver et nous donnent un petit aperçu de ce que tu découvres.
    Je comprends qu’en étant immergé dans une nature pareille tu sois inspiré par des propos aussi profonds et philosophiques. J’ai tout compris , mais cet « ordre imaginaire » dont tu parles a-t’il pu fonctionner ne serait-ce qu’un moment? l’organisation de notre société remonte quand même en des temps immémoriaux….. Donc, pour revenir en arrière, je suppose qu’il faudrait autant de lustres.
    Bisous à toi et bon vent jusqu’à la prochaine fois
    MM

    1. Merci tatie! Loin de moi l’idée de revenir en arrière mais plutôt d’utiliser toutes nos technologies pour nous construire un futur différent de celui vers lequel nous tendons. La prise de conscience collective est longue mais a déjà débuté ce qui est bon signe. il faut simplement que nous l’accélérions ? Très content de partager ça avec vous! des bisous

    1. Merci cousin ! Content que vous y trouvez du plaisir. On va s’organiser un truc ensemble à mon retour ? Des bisous à tous les 4, on s’en reparlera !

  7. Que d’aventure, tu es vraiment dedans. Tu écris et nous mets en situation d’une manière qu’on sent faire partie de l’aventure. Alors tu seras très bien entraîné pour le lac Blanc! Bonne continuité. Bisous Louise

    1. Merci Loulou, je suis super content que vous puissiez le suivre et encore merci de le partager et pour tous vos messages d’encouragement qui sont une aide de plus dans les moments plus longs! Des bisous à tte la famille !

  8. Salut Momo!!
    Super ton aventure! Ça donne encore plus envie de se lancer (ce qui ne devrait plus tarder ;)) et puis les paysages que tu traverse et la manière de le faire, ça doit être un régal (même si il faut en fournir les efforts).
    Je n’ai pas tout lu de ce dernier récit mais j’ai souri en voyant que tu avais emporté dans ton club de lecture le livre « Sapiens » : livre que j’ai adoré et dont je pensais que ce serait un très bon camarade de route pour le voyage 🙂 (bien que volumineux!!). Sans te spoiler, le second livre est de la même manière assez édifiant!
    Continue de profiter et de partager pour nous qui restons amarrer (pour l’instant … :))
    La bise

    1. Salut Quentin!! Merci pour le message, bien content que tu suives ça et surtout que ça te donne encore plus envie de te lancer!! Je te conseille de prévoir une liseuse, ce sera moins lourd et tu pourras emporter tous les bouquins que tu veux ? La biz gros et tiens moi au courant quand tes projets avanceront!

  9. Merci pour tes nouvelles… si tu pouvais juste accélérer un peu dans les zone sans Wifi qu’on puisse te lire plus souvent…?
    Bisettes. ON LACHE RIEN !!!

    1. Lol ça marche cousin. J’attendais que tu le demandes pour passer la seconde. Je vais du coup pouvoir passer à des étapes de 50km et plus ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *